C’est la quatrième attaque israélienne en Syrie depuis le début de l’année. Après janvier et mai 2013, l’État hébreu a mené le 5 juillet dernier un raid aérien sur un entrepôt d’armes situé à Al-Samiyah, à une vingtaine de kilomètres à l’est du port de Lattaquié, sur le littoral méditerranéen. Si les autorités israéliennes ont, sans surprise, décliné tout commentaire sans pour autant infirmer la nouvelle, l’attaque a été confirmée à la chaîne américaine CNN par trois responsables américains. D’après eux, le raid israélien visait des missiles russes Yakhont, récemment livrés par Moscou à la Syrie.
En mai dernier, le général Martin Dempsey, président de l’état-major interarmes américain, avait qualifié cette décision d' »inopportune » et de « très malheureuse », estimant qu’elle risquait d' »encourager le régime » syrien et de « prolonger les souffrances » du peuple. « Les Yakhont russes (classification SS M26 Otan) sont des missiles sol-mer très performants », rappelle David-Rigoulet Roze, chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas). « Capables d’atteindre deux fois la vitesse du son, ces armes très difficiles à éliminer sont les plus rapides du monde dans leur catégorie. »
Menace pour la sécurité d’Israël
D’une portée de 300 kilomètres, les Yakhont russes sont destinés à protéger la Syrie de toute intrusion dans son espace maritime. Mais ils représentent potentiellement une véritable menace pour la sécurité d’Israël, s’ils venaient à tomber entre les mains du Hezbollah, ennemi juré de l’État hébreu et désormais officiellement engagé en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad. Si Tel-Aviv répète qu’il refuse de s’ingérer dans la crise syrienne, il souligne en revanche qu’il ne laissera en aucun cas le mouvement chiite libanais profiter de la guerre pour se doter d’armements sophistiqués.
« Pour les Israéliens, les Yakhont russes peuvent changer les règles du jeu dans la région, explique David Rigoulet-Roze. Ils sont susceptibles de créer un déséquilibre en remettant en cause la sécurité de leur espace maritime. » Outre les forces navales israéliennes en Méditerranée, ces missiles sol-mer sont capables d’atteindre les navires au large de la ville côtière d’Haïfa. Il en va de même pour les plateformes offshore exploitant le site gazier de Tamas, à 80 kilomètres de la côte.
Ligne rouge
Personne en Israël n’a oublié le douloureux précédent de juillet 2006. En pleine guerre du Liban, le Hezbollah avait sérieusement endommagé une frégate israélienne naviguant au large de Beyrouth, à l’aide d’un missile sol-mer chinois de type C802. Quatre membres de l’équipage avaient péri. « Nous avons établi des lignes rouges quand il en vient à nos intérêts, et nous les respectons », a répété la semaine dernière Moshe Yaalon. Le ministre israélien de la Défense a donc une nouvelle fois tenu parole.
Déjà le 29 janvier dernier, Tsahal avait détruit en territoire syrien une cargaison de missiles antiaériens russes de type SA-17, en partance pour le Liban. Puis, les 3 et 5 mai, les avions israéliens avaient mené deux jours de bombardements à Damas, sur des dépôts de missiles sol-sol iraniens Fateh-110. Avec la destruction de missiles Yakhont, Israël conserve une supériorité aérienne et maritime sur la Syrie, et par extension sur le Hezbollah. L’État hébreu s’offre par la même occasion la possibilité de réaliser en territoire syrien des attaques d’une plus grande envergure en toute sécurité