JERUSALEM, 15 déc 2013 (AFP) – La série de succès enregistrée par la
campagne de boycott des colonies en territoire palestinien stimule les appels
à des sanctions contre Israël similaires à celles qui ont précipité la fin de
l’apartheid en Afrique du Sud, selon des analystes et des militants.
Un éditorialiste du quotidien israélien Haaretz égrène avec inquiétude les
dernières initiatives ciblant la colonisation.
« La compagnie d’eau néerlandaise Vitens a coupé ses liens avec son
partenaire israélien Mekorot, la plus grande Eglise protestante du Canada a
décidé de boycotter trois entreprises israéliennes, le gouvernement roumain a
refusé d’envoyer davantage d’ouvriers du bâtiment, et l’Association d’études
américaines vote sur la rupture des relations avec les universités
israéliennes », énumère-t-il.
Cette avalanche se produit quelques mois après l’adoption par l’Union
européenne (UE) de « lignes directrices » excluant de sa coopération les
institutions et entreprises israéliennes ayant des activités dans les
territoires occupés.
« L’avertissement est devenu encore plus clair et plus brutal après la mort
de Nelson Mandela », qui a réveillé la mémoire « de la collaboration d’Israël
avec le régime d’apartheid et fourni de précieuses munitions à ceux qui
voudraient les mettre sur le même plan », souligne le chroniqueur.
« L’analogie pourrait alimenter la conviction qu’Israël aujourd’hui peut
être mis à genoux de la même manière que l’Afrique du Sud hier », prévient-il.
Si bien peu de critiques d’Israël vont jusqu’à assimiler la situation dans
les territoires occupés à l’apartheid, tous recensent une kyrielle de points
communs, en particulier en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où Israéliens et
Palestiniens ne bénéficient pas des mêmes droits.
« Malgré les différences évidentes entre l’Afrique du Sud de l’apartheid et
le régime pyramidal d’oppression israélien, il y a de nombreux airs de
famille. La domination d’Israël sur les Palestiniens constitue une occupation,
une colonisation et un apartheid », déclare à l’AFP Omar Barghouti, membre
fondateur du mouvement BDS (« Boycott, désinvestissement, sanctions ») dans les
Territoires palestiniens.
« Indépendamment de la définition du régime d’oppression israélien, une des
principales leçons que nous avons tirées de Mandela et de nos camarades
sud-africains est que la résistance interne doit s’accompagner d’une
solidarité internationale continue, en particulier sous la forme d’un
mouvement BDS, pour isoler l’Etat oppressif et le forcer à respecter ses
obligations », explique M. Barghouti.
« Perte de légitimité »
Le président palestinien Mahmoud Abbas, interrogé par les médias
sud-africains lors des funérailles de Mandela, a rejeté un boycott généralisé
d’Israël, mais réitéré son appel à boycotter les colonies et leurs produits.
Le commentateur politique palestinien Daoud Kuttab reconnaît à M. Abbas le
mérite de la cohérence sur ce sujet, mais lui reproche d’avoir « placé tous ses
oeufs dans le panier des négociations ».
En cas d’échec, les dirigeants palestiniens « comptent utiliser des moyens
diplomatiques tels qu’adhérer aux agences de l’ONU, plutôt qu’une véritable
lutte non violente à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine », regrette
Daoud Kuttab sur le site Al-Monitor.
Selon des sources politiques israéliennes citées vendredi par le quotidien
Maariv, l’UE se prépare à imposer au printemps un étiquetage distinctif des
produits des colonies exportés en Europe.
Le 3 décembre, une notification publiée sur un site gouvernemental
britannique alertait les investisseurs de l’UE « des conséquences potentielles
sur leur réputation d’une implication dans les activités économiques et
financières des colonies ainsi que des possibles violations de droits
individuels ».
Selon un autre analyste de Haaretz, l’absence remarquée des dirigeants
israéliens lors de l’hommage à Mandela revenait à « laisser Israël non
représenté au sommet moral mondial ».
« Le danger qui menace Israël est la perte de légitimité », écrit-il: « Pour
survivre dans un Moyen-Orient difficile, nous avons besoin du soutien de
l’Occident ».
Le gouvernement israélien tâtonne pour trouver la parade à cette menace.
Une commission ministérielle a ainsi approuvé dimanche un projet de loi,
pourtant jugé inconstitutionnel par le procureur de l’Etat, qui prévoit des
sanctions financières pour les ONG favorables aux campagnes de boycott ou aux
poursuites contre des militaires israéliens pour crimes de guerre présumés.
Le vice-président américain Joe Biden a lui aussi confié le 10 décembre sa
préoccupation face à cette campagne de « délégitimation, la plus grave menace à
la sécurité et à la viabilité d’Israël ».
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