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« Regards sur les ghettos », antichambres des camps de la mort (PRESENTATION) Par Annick BENOIST

PARIS, 13 nov 2013 (AFP) – Photos-souvenirs, photos-témoignages mais aussi
de propagande nazie, l’exposition gratuite « Regards sur les ghettos » qui
s’ouvre cette semaine au Mémorial de la Shoah à Paris plonge le visiteur dans
l’invivable « espace vital » des Juifs sous la botte nazie.
Espace de plus en plus resserré, insalubre comme celui de ces quartiers de
Lodz, Varsovie, Lublin, dont les habitants ignorent encore qu’ils sont les
antichambres des camps de la mort vers lesquels ils seront bientôt déportés.
Pourtant la mort est déjà là, sur ces rails de tramway où gît un corps sans
vie et dont la foule s’écarte, comme indifférente, dans la mise en scène du
photographe Albert Cusian, préposé à la Compagnie de propagande 689.
Elle est même là, au dessus du visage de cette femme où s’empilent trois
chapeaux -parce qu’il vaut mieux être prévoyante-, ou dans la maigreur de ces
deux hommes chargés de transporter les containers de matières fécales.
Près de 500 photographies peu connues des ghettos, issues de plusieurs
collections et dont le choix a été établi avec la participation du réalisateur
Roman Polanski, témoignent de ce que fut cette mort avant la mort.

Photos enterrées dans des bouteilles de lait

L’exposition du Mémorial -qui se prolonge jusqu’au 28 septembre 2014-
réunit notamment les oeuvres de photographes juifs, censés avoir remis leurs
appareils aux Allemands, mais dont les clichés voyageront secrètement hors des
ghettos, ou seront enterrés dans des bouteilles de lait jusqu’après la guerre.
Mendel Grossman et Henryk Ross à Lodz (165.000 déportés en 1940), et George
Kadish à Kaunas (29.760 déportés en 1941) décidèrent chacun de témoigner de la
destruction de leur communauté: arrestations, déportations vers les camps de
Chelmno, Auschwitz, ou Stutthof, Dachau et Kaufering.
Autre regard, mais vicié celui-ci, celui des photographes des Compagnies de
propagande nazie, destiné à illustrer des revues antisémites. Après « Le Juif
dans son jus », article publié dans Das Schwarze Korps sur le ghetto de Lublin,
vient un autre « reportage » sur « Les Juifs entre eux » pour un journal
populaire, décrivant la vie prétendument dégénérée des Juifs dans le ghetto de
Varsovie.
Ces photographies présentent des Juifs considérés comme « emblématiques »: de
préférence laids, marqués par la fatigue et les privations. Le journal de la
SS, Das Schwarze Korps, assure que l’on a affaire à des « monstres esthétiques,
mais aussi éthiques », car « ces gens ont un regard mauvais » et « fuient tout
face-à-face ».
Le « temps des ghettos » -il y en eut plus de 400- est considéré comme la
première étape du processus génocidaire de la population juive d’Europe
Centrale. Des Juifs par milliers y périrent de faim, de souffrances et de
maladies. Des centaines de milliers d’autres, acheminés vers les camps,
trouvèrent la mort plus tard.
ab/ger/jag

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