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Edito de Alain Sayada  » Je suis… »

 

Il y a un an, une chape de plomb s’abattait pour la première fois sur la France. Le pays

des Droits de l’Homme se réveillait alors, en apprenant que le terrorisme pouvait le

toucher : 17 personnes assassinées par des fous de D… Parce qu’elles ne leur

ressemblaient pas. Assassinées parce que Juifs, assassinées parce que journalistes qui

défendaient la liberté d’expression, assassinées parce que Policiers représentant

l’autorité de l’État… Derrière ces morts et ce chiffre, au demeurant peu parlant, combien

de blessés, de traumatisés, de familles touchées par le deuil… Combien d’enfants qui

grandiront sans leurs parents, leurs grands-parents, qui toujours se demanderont

pourquoi la haine s’est invitée brutalement dans leurs vies.

Ce 11 Janvier 2015, des millions de personnes se sont reconnues dans l’un des slogans

écrits sur les pancartes des manifestants : « Je suis Charlie, je suis Juif, je suis Policier »

Mais le mot d’ordre aurait été plutôt : « Je suis la France, debout ». Car même si nous

pouvions partager certaines idées, et communier dans le refus de la haine aveugle et du

terrorisme, tout le monde n’était pas Charlie. Deux ans auparavant, dans l’un de nos

numéros, nous avions prédit ce qu’il allait se produire en ces funestes 7 et 9 janvier

2015… A trop caricaturer, on finit par blesser, provoquer, être mal compris, être pris

pour cible… Peut-on rire de tout ? Peut-être, mais pas avec n’importe qui. Et on ne

plaisante pas avec les sbires de l’Etat islamique, la preuve est faite.

Un an après sommes-nous Charlie ? En ce qui me concerne, je dirais non. Non je ne suis

pas Charlie car pour l’anniversaire si sordide de ces horribles attentats, Charlie Hebdo

remet ça. Une nouvelle provocation, une nouvelle insulte aux religions. Oui, oui, je sais.

Caricaturer, rire même de D. tout ça. Sauf que les fous de l’Etat islamique, eux, ne rient

pas. Que l’Etat d’urgence a été décrété en novembre 2015 parce que les terroristes ont

remis ça, eux aussi. Et que si nos libertés fondamentales sont revues et corrigées pour

permettre aux forces de l’ordre de traquer les bêtes féroces qui ont assassiné et mutilé

des centaines de personnes, alors notre liberté d’expression doit peut-être, elle aussi, se

plier à la règle. Des hommes sont morts parce que nous avons défié les démons

fondamentalistes. L’heure est grave, la menace toujours présente et à l’heure des

commémorations, je n’ai pas envie de rire et d’être complice de cette nouvelle

provocation.

Je n’ai pas envie de fustiger les religions. Juif, musulman, chrétien, athée… Je pense que

chacun a le droit, de vivre selon ses principes, ses croyances, pour peu qu’il n’empiète

pas sur la liberté de l’autre. Le seul but de Charlie Hebdo a toujours été la provocation.

Et on ne m’enlèvera pas de l’idée que, quand une pique fait recette, les journalistes et les

caricaturistes sont encouragés à aller plus loin encore dans la provocation. Si en plus les

retombées financières sont au rendez-vous, que demande le peuple ? Peut-être de ne pas

finir en charpie ! Plutôt crever que de retenir sa plume, disent les caricaturistes. Moi je

dis n’en jetez plus.

Je crois sincèrement que la défense de nos valeurs est ailleurs aujourd’hui. Elle est dans

l’apaisement, la réconciliation, la création de ponts entre croyants et athées,

conservateurs et libertaires, refus du repli communautariste, quelle que soit la foi des

pratiquants. Les Français sont prêts à se battre pour une cause, une bonne. Mais peut-

être pas la vôtre. La provocation à tout prix n’est pas, à mon sens, un combat qui se

justifie. En tout cas pas aujourd’hui…

Alors, en ce triste anniversaire, je ne suis pas Charlie. Je reste juif, policier, quidam mort

gratuitement, je suis la France… Mais pas Charlie.

Dix sept morts en janvier 2015. Je veux rappeler ici les noms de ceux qui ont péri, pour

que le chiffre n’engloutisse pas définitivement leur individualité :

Attentat et prise d’Otages de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes

Philippe Braham

Yohan Cohen

Yoav Hattab

François-Michel Saada

Fusillade à Montrouge

Clarissa Jean-Philippe

Exécution Boulevard Richard Lenoir,

Ahmed Merabet

Attentat contre Charlie Hebdo

Frédéric Boisseau

Franck Brinsolaro

Cabu

Elsa Cayat

Charb

Honoré

Bernard Maris

Mustapha Ourrad

Michel Renaud

Tignous

Wolinski

Je voudrais aussi rappeler que vendredi 8 Janvier 2016 aura lieu un rassemblement en

mémoire des attentats….

Le point de départ du cortège se fera à proximité des locaux de Charlie Hebdo à 10 h30,

pour se terminer vers 11h30 devant l’HyperCacher.

Am Israel Hai

Alain Sayada

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