Monsieur le Premier ministre,
Le 23 juin dernier, près de deux mille personnes se sont réunies, à votre initiative et celle deValérie Pécresse, au Cirque d’Hiver pour soutenir les Chrétiens d’Orient. Engagé depuis mon élection pour la défense de cette cause, je tenais à saluer cette mobilisation. Je partage vos inquiétudes et votre diagnostic. Il y a urgence! La guerre contre le djihadisme est une guerre mondiale! Et oui, nous avons une responsabilité à l’égard des Chrétiens d’Orient, qui sont en train de disparaître de leur berceau historique
Pour gagner cette guerre contre le djihadisme et le califat noir de Daesh, vous appelez de vos vœux un aggiornamento diplomatique et une stratégie appuyée sur une vaste coalition associant les Etats du Proche-Orient, l’Europe, les Etats-Unis sans laisser de côté la Russie et… l’Iran! Selon vos termes, « le temps n’est pas à choisir nos alliés en fonction de nos intérêts commerciaux ou de notre conception idéale de la démocratie. »
Monsieur le Premier ministre, si la Russie, par-delà certains griefs, est un grand pays et un acteur incontournable de la scène internationale, la République islamique d’Iran est un Etat djihadiste, terroriste et dont l’objectif ultime est d’instrumentaliser le chaos régional et propager sa conception sectaire et totalitaire de l’islam. Beaucoup d’experts sont formels: la République islamique est à la source du désordre moyen-oriental et représente la principale menace pour notre sécurité et nos valeurs. S’allier à l’Iran pour combattre Daesh serait une faute morale, stratégique et historique.
Faire alliance avec la République islamique d’Iran serait une faute morale
La République islamique d’Iran est l’archétype du régime totalitaire islamiste. Il ne suffit pas d’affirmer que l’Iran n’est ni un pays ami ni un Etat qui partage nos valeurs de démocratie et de droits de l’homme. Il faut voir la vérité en face: l’Iran reste aujourd’hui la théocratie islamiste de référence. C’est un Etat tyrannique qui viole systématiquement les droits humains et applique la charia dans sa version la plus rétrograde comme l’a montré fin 2014 le cas de Reyhaneh Jabbari, cette jeune iranienne qui a été pendue pour avoir tué son violeur en état de légitime défense.
Comment s’allier à un pays où l’on lapide les femmes présumées adultères, où l’on pend des homosexuels, où les minorités religieuses (Bahaïs, Zoroastriens, Chrétiens, Juifs) sont persécutées? Comment pouvez-vous, par cette alliance, abandonner la jeunesse iranienne éprise de liberté si férocement réprimée lors du soulèvement démocratique de 2009? Vouloir sauver les Chrétiens d’Orient en s’alliant à un pays islamiste militant qui ne reconnaît pas aux Chrétiens la liberté de culte et où beaucoup sont emprisonnés sous des motifs fallacieux de prosélytisme, est illusoire et dangereux.
Le régime des Mollahs déstabilise le Moyen-Orient par une ingérence systématique dans les affaires intérieures des pays voisins. A ce jour, Téhéran impose son diktat sur Bagdad, Damas, Beyrouth et Sanaa. Le Liban est de facto pris en otage par le Hezbollah, contrôlé directement par Téhéran et véritable Etat dans l’Etat au Pays du Cèdre. Le régime criminel de Damas ne doit sa survie qu’à l’appui iranien et est directement téléguidé par les Mollahs et leur bras armé, les Gardiens de la Révolution islamique ou Pasdaran. De même, la politique sectaire violemment anti-sunnite du premier ministre irakien et des milices chiites locales a été pilotée depuis Téhéran et explique en grande partie la montée en puissance et l’appui populaire à Daesh. Enfin, les rebelles Houthis au Yémen qui ont fait voler en éclat l’Etat central marchent ouvertement au pas de l’Iran.
La République islamique d’Iran est animée par une haine obsessionnelle d’Israël et des Juifs. Ses dirigeants déclarent ouvertement vouloir « effacer Israël de la carte » et réaliser par là même un nouveau génocide du peuple juif! L’histoire du XXe siècle enseigne que de tels projets mortifères doivent être pris au sérieux. Plus généralement, l’Iran agresse sans interruption, par le biais des organisations djihadistes Hamas et Hezbollah, Israël, qui partage nos valeurs, seule démocratie de la région et où les Chrétiens peuvent vivre librement leur foi. Le régime des Mollahs est aussi à l’origine d’attentats antisémites! Ainsi, à Buenos Aires en 1994, les Iraniens ont commandité un attentat à la voiture piégée contre l’Association mutuelle israélite argentine qui fît 84 morts et 230 blessés! Dois-je vous rappeler que huit dirigeants iraniens de haut rang sont recherchés par Interpol depuis 2007 pour leur rôle dans cet attentat, dans lequel est aussi impliqué l’actuel président prétendument modéré Rohani. Enfin, comment imaginer s’entendre avec un régime qui a organisé en 2015 un concours international de caricatures sur la Shoah?
Le régime des Mollahs a inventé le terrorisme islamiste au début des années 1980. Et notre pays en a été une des premières victimes! Quelques rappels. Beyrouth, 23 octobre 1983, l’attentat du Drakkar tue 58 parachutistes français. Au Liban toujours, 1986, l’affaire des otages: Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton et Marcel Fontaine sont enlevés et séquestrés pendant plus de deux ans par le Jihad islamique libanais pour le compte de l’Iran. A Paris, la série d’attentats perpétrés en 1985-86 (Marks&Spencer, rue de Rennes …), qui ont fait treize morts et près de 300 blessés sont attribués au Hezbollah, marionnette de l’Iran. Le 6 août 1991, Chapour Bakhtiar, ancien Premier ministre du Shah, principal opposant au régime des Mollahs, en asile politique dans notre pays, est assassiné à son domicile de Suresnes par les tueurs du régime khomeyniste.
Le régime des Mollahs est la matrice du djihad mondial. De nombreux experts ont établi que c’est l’Iran qui a appuyé le développement d’Al-Qaeda dès les années 1980 et favorisé la radicalisation et la structuration des filières djihadistes en Iraq après l’invasion américaine de 2003. De même, le soutien sans faille au régime sanguinaire de Bashar Al-Assad, responsable du massacre de plus de 250 000 personnes à coup de bombardements chimiques ou barils de poudre, a érigé Daesh en symbole de la rébellion, quand les franges modérées ont été hélas écrasées à cause de la passivité occidentale! L’Iran, comme son vassal à Damas, instrumentalisent Daesh pour revenir dans le concert des nations. Vous-même, François Fillon, êtes en train de tomber dans ce piège!
Faire alliance avec la République islamique d’Iran serait une faute stratégique
Vous avez décidé de faire un choix entre la peste et le choléra! Quand il s’agit de l’Iran et Daesh, non, l’ennemi de mon ennemi n’est pas mon ami! De fait, opposer extrémisme chiite et sunnite n’a pas de sens: République islamique et Etat islamique sont comme les deux faces d’une même pièce. Faut-il rappeler que L’Ayatollah Khomeiny, père de la République islamique et Guide suprême de la Révolution islamique, qualifiait son régime de « califat islamique »? A une nuance près, et elle est de taille! La République islamique contrôle un pays de 80 millions d’habitants, une armée puissante, aguerrie, disciplinée, des ressources considérables, des masses embrigadées et un régime solide animé par des visées expansionnistes agressives. De l’autre, Daesh, qui n’est en définitive qu’un spin-off du djihadisme iranien composé de quelques dizaines de milliers de barbares fanatisés, en mal de gloire et assoiffés de vengeance.
S’allier avec la République islamique d’Iran dans la lutte contre l’Etat islamique reviendrait à entériner l’emprise iranienne sur le Moyen-Orient et valider son sectarisme chiite. Or, jamais les grands Etats sunnites n’accepteront que Téhéran assoit son imperium sur la région ni acquiert l’arme nucléaire. Une telle alliance aura inéluctablement pour effet d’exaspérer encore plus les antagonismes confessionnels et ouvrir la voie à une course aux armements -notamment aux armes atomiques- avec les monarchies du Golfe, la Turquie et l’Egypte à l’issue incertaine et potentiellement dramatique.
L’histoire récente prouve que l’Iran ne saurait être un partenaire fiable. Les Mollahs pratiquent systématiquement double jeu et double langage. La République islamique cherche depuis des années, en violation de ses obligations internationales, à développer des armes nucléaires en se livrant à un jeu de cache-cache avec les inspecteurs de l’AIEA. Les Iraniens font semblant de négocier avec le P5+1 pour gagner du temps mais se soustraient aux inspections sur site. Pourquoi un régime djihadiste qui pratique systématiquement la duplicité et la manipulation serait-il un allié crédible dans la lutte contre Daesh?
S’allier à l’Iran dans la lutte contre Daesh pour la sauvegarde des Chrétiens d’Orient serait donc une erreur historique et morale. La République islamique a favorisé la montée en puissance de Daesh pour mieux brandir cet épouvantail et négocier en position de force son retour dans le concert des nations et son emprise sur le Moyen-Orient. La tentation est grande de tomber dans ce leurre tant nos consciences sont outrées par la barbarie des hommes du califat, qui ne reculent devant aucune exaction ni transgression. Coutumière des pires erreurs d’analyse au Moyen-Orient, l’Amérique d’Obama semble tenté par une telle alliance et disposée à céder aux Mollahs sur le dossier nucléaire. Monsieur le Premier ministre, ne vous laissez pas aveugler!
Même si la maison brûle, restons fermes et lucides. Oui, une nouvelle stratégie est indispensable pour sauver les Chrétiens d’Orient et stabiliser le Moyen-Orient! Oui, une vaste coalition doit voir le jour et une mobilisation générale s’impose. Mais une chose est sûre, et c’est une constante de notre politique extérieure: la République islamique d’Iran ne peut être notre partenaire. La lutte contre le djihadisme est un combat pour les valeurs de démocratie et des droits de l’homme. C’est une guerre mondiale et globale! La solution passe ainsi par une vaste mobilisation conjointe contre le djihadisme sunnite de Daesh et pour faire reculer le djihadisme chiite de l’Iran, qui depuis trente ans déstabilise la région et défie l’Occident.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma très haute considération.