Jérusalem, 14 juil 2015 (AFP) – Israël n’a cessé de dénoncer un accord
nucléaire avec l’Iran et a menacé maintes fois de frapper la République
islamique, mais il doit maintenant apprendre à vivre avec l’arrangement
accepté mardi par les grandes puissances, estiment des experts.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses alliés politiques de droite
et d’extrême droite ont multiplié les mises en garde alarmistes, voyant dans
tout accord une menace car, soutiennent-ils, il n’empêcherait pas l’Iran de se
doter de l’arme nucléaire.
Mais, mardi, en dépit des cris d’orfraie d’Israël, le groupe 5+1
-Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Chine, Russie et Allemagne- a conclu un
accord avec l’Iran qui vise à empêcher ce dernier pays de se doter de l’arme
nucléaire -des inspecteurs onusiens y veilleront- en échange d’une levée des
sanctions qui étranglent son économie.
« D’après les premiers éléments qui nous parviennent, il est déjà possible
de dire que cet accord est une erreur historique pour le monde », a dit M.
Netanyahu, avant de prévenir: « nous nous sommes engagés à empêcher l’Iran de
se doter des armes nucléaires et cet engagement est toujours d’actualité ».
– Accord avalisé par l’ONU –
Israël a bien des raisons de s’inquiéter des velléités nucléaires de l’Iran
dont des dirigeants prônent la destruction de l’Etat hébreu. Mais, pour les
experts, Téhéran, même en parvenant à contourner l’accord et à développer
l’arme nucléaire, ne prendrait pas le risque de s’exposer aux sévères
conséquences d’une attaque contre l’Etat hébreu.
Considéré comme le seul pays du Moyen-Orient disposant de l’arme atomique,
bien qu’il maintienne l’ambiguïté sur le sujet, Israël considère que le
programme nucléaire iranien menace son existence même et a menacé à plusieurs
reprises d’une intervention militaire contre les installations nucléaires de
Téhéran.
Mais alors que le recours a une action militaire est devenu hautement
improbable, en particulier si l’Iran n’enfreint pas les termes de l’accord, le
gouvernement israélien va devoir changer de stratégie et tout miser sur la
diplomatie pour s’assurer que sa voix est entendue, expliquent les
spécialistes.
Notamment, souligne Yossi Mekelberg, chercheur à Chatham House, parce que
l’accord va être avalisé par le Conseil de sécurité de l’ONU. Si Israël décide
de passer outre, alors « ce ne sera plus qu’une agression contre l’Iran, ce
sera aussi une violation d’une résolution de l’ONU ».
Ces dernières semaines, alors que la date butoir se rapprochait, à chacun
de ses discours ou presque, M. Netanyahu a inlassablement critiqué les termes
d’un accord encore en négociation, l’accusant d’ouvrir à l’Iran « la voie vers
les bombes nucléaires ».
En mars, il était allé jusqu’à défier -et à s’attirer les foudres- du
président Barack Obama en faisant un discours devant le Congrès à Washington
pour dénoncer l’accord en gestation.
– ‘Canon pointé’ –
A la suite de la conclusion de l’accord mardi à Vienne après près de deux
ans de discussions, la première priorité d’Israël sera probablement de faire
pression sur le Congrès américain qui a désormais 60 jours pour se prononcer
sur le texte.
La prochaine étape, prévoient les experts, ce sera le relevé minutieux et
attentif par l’Etat hébreu de chacune des infractions de l’accord par l’Iran
et des appels réguliers aux grandes puissances afin qu’elles y réagissent
fermement.
Mais pour Uzi Dayan, ex-conseiller de sécurité du gouvernement, Israël doit
« garder sur la table » l’option militaire.
« S’il n’y a pas un canon chargé et pointé, les Iraniens se diront ‘c’est
bon, on peut s’en tirer en souffrant un an ou deux mais ensuite, on aura la
capacité nucléaire et tout le monde nous respectera' », dit-il à l’AFP.
Outre les inquiétudes nucléaires, Israël s’inquiète qu’une levée des
sanctions permette à l’Iran de financer « le terrorisme », notamment via ses
alliés du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien, et d’accroître son
influence dans la région.
Cet Iran « normalisé » inquiète autant Israël que l’Arabie saoudite, rival
sunnite de l’Iran chiite dans la région, assure Dalia Dassa Kaye, du think
tank américain Rand. Mais après tant d’années d’isolement, « un accord ne
ferait pas forcément de l’Iran la grande puissance de la région ».
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