Aujourd’hui, une cinquantaine d’établissements musulmans, accueillant 5000 élèves, fonctionnent en France. Partout, à la périphérie des grandes villes, des projets voient le jour, souvent de petites écoles, ne comptant qu’une ou deux classes et une quinzaine d’élèves. Mais le mouvement est largement amorcé. Les maires se plaignent d’être en première ligne face à l’afflux de demandes mais de n’avoir aucun moyen de contrôler, ensuite, ce qui se passe à l’intérieur des établissements scolaires.
L’Éducation nationale étudie le dossier de près. «Nous explorons toutes les pistes possibles, y compris celle d’une évolution substantielle du droit», affirme-t-on dans l’entourage de Najat Vallaud-Belkacem. La question des écoles hors contrat, qui ne sont pas tenues de respecter les programmes de l’Éducation nationale, est prioritaire. Après les attentats de novembre, une série d’inspections «surprise» a été lancée dans des établissements soupçonnés de radicalisation.
Parmi la cinquantaine d’écoles musulmanes, cohabite une grande variété de structures. Si elles étaient, à leurs débuts, en grande partie financées par des pays étrangers, c’est moins le cas au fil du temps.
L’emprise des Frères musulmans, par le biais de leur branche française qu’est l’UOIF, sur l’enseignement musulman est réelle. L’UOIF contrôle les principales écoles sous contrat avec l’État mais aussi, plus ou moins directement, une quarantaine d’écoles hors contrat, le plus souvent dans le primaire.
Ce cordon ombilical nourrit des interrogations. Ce que l’islamologue Gilles Kepel résume ainsi: «Légalement, rien n’interdit évidemment la création d’écoles musulmanes, au même titre que les écoles juives ou catholiques. Mais le projet de l’UOIF, c’est la construction d’une communauté qui négocie son insertion dans la République. La vraie question est: dans quelle mesure ce mouvement favorise une logique de rupture avec la communauté nationale?»
Auteur de Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans, qui raconte ses quinze années de militantisme au sein de l’organisation, Mohamed Louizi décrypte ainsi sa politique à long terme: «L’objectif, c’est bien de créer une rupture entre la République “méchante” et la jeunesse musulmane afin que celle-ci ne croie plus au projet républicain.»
Professeur de philosophie et de tradition soufie, Soufiane Zitouni a démissionné avec fracas du lycée Averroès – premier lycée musulman de France sous contrat, à Lille – en février 2015. Ses critiques ont entraîné sa condamnation pour diffamation et injures non publiques, dont il a fait appel. Il publie Confessions d’un fils de Marianne et de Mahomet (Les Échappés, avril 2016). Dans cet entretien, il met en garde contre l’emprise des Frères musulmans sur l’islam de France.
Depuis plusieurs mois déjà, l’Association des maires de France (AMF) alerte sur la déscolarisation d’enfants musulmans. Les élus, en effet, doivent être informés par les parents qui font le choix de l’instruction à domicile. Pour Catherine Arenou, la maire (LR) de Chanteloup-les-Vignes, commune bien connue des Yvelines depuis l’affaire de la crèche Baby Loup, la «déscolarisation est un sujet préoccupant». «Les motifs sont clairement d’ordre religieux. Je ne peux admettre que des enfants soient exclus d’une éducation française et laïque, estime l’élue. Mais nous ne pouvons rien faire, sauf si nous constatons des situations de mise en danger des enfants», explique l’élue. «Avenue des sœurs», «Apprends-moi Ummi», «Musulman productif»… Sur la Toile, les blogs et articles consacrés à l’enseignement à la maison qui «respecte strictement les préceptes islamiques» se multiplient…
Le député-maire socialiste de Sarcelles (Val-d’Oise), Francois Pupponi, tire depuis quelques jours la sonnette d’alarme sur la création «d’écoles coraniques, détenues par les salafistes» en France et «en toute légalité». Abdelali Mamoun, l’imam d’Alfortville (Val-de-Marne) l’a confirmé, évoquant l’institut Sounnah «qui est effectivement d’obédience salafiste».
Telle qu’on l’entend en France, une «école coranique» n’est pas une école à proprement parler, mais un «centre culturel» mélangeant souvent soutien scolaire après l’école et éducation musulmane (apprentissage du Coran, morale islamique, cours d’arabe). Souvent, elles sont adossées à une mosquée, dont les orientations doctrinales influent sur l’enseignement dispensé.
Source: Le Figaro.
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