La chaîne d’information Sky News a affirmé mercredi avoir mis la main sur des documents contenant les noms de 22.000 membres de l’Etat islamique (EI), une fuite potentiellement dévastatrice pour le groupe jihadiste, selon des experts.
C’est un ex-membre de l’EI désabusé qui a remis à la chaîne britannique une clé USB contenant les fichiers, volés au chef de la police interne de l’organisation jihadiste, selon Sky News.
Les documents en question, qui contiennent les noms, adresses ou encore numéros de téléphone des recrues, sont des formulaires remplis par des ressortissants de 55 pays ayant rejoint l’EI, a ajouté Sky News.
Certains contiendraient des informations sur des jihadistes jusqu’à présent non identifiés qui se trouvent en Europe occidentale, aux Etats-Unis, au Canada, au Maghreb et au Moyen-Orient, selon la chaîne.
« Sky News a informé les autorités de cette prise », a indiqué la chaîne sur son site.
Les ministères britanniques de l’Intérieur et des Affaires étrangères n’étaient pas disponibles dans l’immédiat pour réagir.
Groupe sanguin, nom de jeune fille de leur mère ou encore « niveau de compréhension de la charia », la loi islamique… Les recrues de l’EI doivent répondre en tout à 23 questions, selon des reproductions de formulaires diffusées par Sky News.
De précédentes fuites de documents avaient déjà trahi la tendance bureaucratique prononcée de l’EI. Mais si celle-ci est confirmée, elle constituerait par son ampleur la fuite la plus importante.
Sur Twitter, Richard Barrett, ancien patron du contre-terrorisme au sein du renseignement extérieur britannique, a qualifié le butin de « ressource inestimable pour les analystes ».
– Risque d »implosion’ –
« Ce pourrait être un événement majeur », a déclaré à l’AFP Chris Phillips, directeur général du cabinet International Protect and Prepare Security Office.
« Cela montre combien l’EI est vulnérable aux siens qui se retournent contre lui », a-t-il estimé.
Les documents transmis à Sky News pourraient être utilisés lors de futurs procès, selon M. Phillips, et permettre de réduire le nombre de départs de ressortissants de pays européens ou nord-américains vers les zones contrôlées par l’EI.
« Comprendre la manière dont ces gens ont voyagé et qui les a recrutés est essentiel pour réduire (le nombre) de futurs départs », a-t-il soutenu.
Plusieurs milliers de citoyens européens ont rejoint les rangs de cette organisation qui a conquis de vastes zones en Syrie et en Irak et proclamé en 2014 le « califat », et les autorités de leurs pays d’origine craignent qu’ils ne commettent des attentats à leur retour.
Certains noms de jihadistes déjà identifiés sont contenus dans les documents. C’est le cas, par exemple, d’Abdel-Majed Abdel Bary, un ancien rappeur originaire de Londres qui s’est illustré en postant sur Twitter une photo de lui brandissant une tête tranchée.
Autre nom connu en Grande-Bretagne, celui de Junaid Hussain, un hackeur de l’EI orginaire de Birmingham (centre) tué dans une frappe de drone en août.
Les documents ont été livrés à Sky News par un ancien combattant de l’Armée syrienne libre ayant rejoint les rangs de l’EI et se faisant appeler « Abu Hamed ».
Une fois les documents dérobés, il les a transmis à un journaliste en Turquie, expliquant avoir quitté l’EI à cause de l' »effondrement des principes islamiques auxquels il croit » au sein du groupe.
« Cette organisation est une escroquerie, ce n’est pas l’islam », dit-il dans une vidéo diffusée par Sky News où il apparaît le visage dissimulé, espérant que les documents qu’il a livrés permettraient, « si Dieu le veut », de détruire l’EI.
« Ces informations doivent évidemment être utilisées. Elles appartiennent à ceux qui combattent l’Etat islamique », poursuit-il.
Selon lui, l’organisation jihadiste aurait abandonné son quartier général de la ville de Raqa (nord de la Syrie) pour le désert.
Cette fuite de documents « montre qu’il existe des voix dissidentes dans les rangs de l’EI », a dit à l’AFP Olivier Guitta, directeur général du cabinet de conseil GlobalStrat.
« Comme dans toute organisation d’envergure, il y aura des luttes de pouvoir et on pourrait voir à l’avenir une possible implosion de l’EI en différentes factions », a-t-il ajouté.